vendredi 22 août 2008

Vins du Comté de Prince-Édouard


Le Comté du Prince Edouard est une presqu'île sur le lac Ontario, à mi chemin entre Toronto et Montréal. Colonisé par des pacifistes (Quakers) et des soldats restés fidèle à la Couronne pendant la Révolution américaine, il conserve un certain charme britannique. C'est un hâvre champêtre parsemé de hameaux, de gîtes couette et café, de sites de pêche et de plaisance, de chalet pittoresques, de plages et de studios d'artites (peintre, potiers, souffleurs de verre, etc). Enchanteur!

Après avoir connu le boom de l'orge pendant à la Prohibition, et après avoir fait fortune dans la conserverie de maïs, pois et fruis, l'agriculture régionale est maintenant très diversifiée. On y note une culture céréalière (maïs, mais aussi orge et le blé), maraîchère (haricot vert, petit pois) et fruitière (citrouilles, cerises, pèches, poires, pommes, framboises, fraises). Il y a aussi une production laitière assez prospère (fromage cheddar et chèvre), de l'élevage (boeuf de boucherie, porc, poulet, agneau, mais aussi l'ému, le sanglier, l'élan, et l'autruche), et plusieurs autres surprises (produits de l'érable, lavande, chanvre, etc.).



Ces excellents produits sont transformés par les artisans locaux: fromagers, panetiers, brasseurs, cidreurs, confiseurs et chefs cuisiniers du Comté. On y mange donc très bien, et la réputation des restaurants Angéline, Harvest, Carriage House, Merryl Inn retentit jusqu'à Toronto. Le vin s'accorde merveilleusement à un contexte aussi épicurien, et de fait, plus de 33 vignobles ont fait leur apparition dans les 10 dernières années.




Grâce aux beaux succès de la Péninsule du Niagara, nous savions déjà que la vigne peut être cultivée au Canada, à condition de protéger les ceps pendant l'hiver et de mettre à profit le micro-climat des berges du Lac Ontario. Le Comté a profité de ce savoir-faire et il vient d'être désigné comme aire viticole par la province.

Ce terroir est prometteur. Les géologues ont répertorié plus de dix types de sols dans la presqu'île, et le village de Hillier compte de nombreuses collines orientées vers le sud et formées d'argile gravelleux sur lit calcaire. Les conditions climatiques et géologiques de ce terroir sont donc similaires à celles des meilleurs domaines bourguignons.

Dans ce contexte, il est logique de miser sur les deux cépages nobles de la Bourgogne: le pinot noir et chardonnay. Bien que le marché mondial soit inondé de chardonnay, le terroir du Comté permet une interprétation plus équilibrée et minérale que celle des crus du Nouveau Monde. Dans les meilleurs cas, son produit final évoque le Chablis, un produit très en demande.

De même, la soif des amateurs de pinot noir de qualité reste intarissable. Ce cépage extrêmement capricieux ne réussit que chez les producteurs les plus chevronnés, et encore, sous les meilleurs conditions. À l'extérieur de la Côte d'Or, seules quelques régions de l'Orégon (Willamette Valley), de la Californie (Russian River, Sonoma Coast) et de la Nouvelle-Zélande (Matinborough, Waipara, Central Otago) font bonne figure.

Le Comté offre donc le potentiel pour de grands vins canadien, blancs et rouge, dans le style bourguignon. Du moins, c'est le pari Norman Hardie, l'un des meilleur viticulteur de Prince Édouard. Formé en Afrique du Sud et en Bourgogne, le sommelier et viticulteur combine le savoir-faire, l'amour du travail bien fait et la véritable passion du vin.

Je me suis présenté à son domaine de façon impromptue, cette semaine. Les installations sont utilitaires et modernes. Pas de grandiose salle de dégustation envahie par les touristes. Pas de brigade de jeunes serveurs empressés de vous vendre des échantillons d'un vin dont ils ne savent même pas prononcer le nom. Presque aucun vin, en fait, puisque presque toute la production était déjà écoulée.


Et pourtant, quelle visite!

À notre arrivée surprise dans le hangar de métal et de ciment, Norman Hardie a tout mis de côté pour nous accueillir lui-même, en anglais comme en français. Il a passé une heure complète à nous dévoiler les secrets de son vin. Terroir, vinification, levures, procédure de filtrage, fermentation maloactique, type de chêne employé, source des raisin, assemblage, tout y est passé! Nous avons pu déguster son superbe chardonnay (il restait quelques bouteilles, par chance...).

Mieux, Hardie nous a fait goûter séparément aux pinots noirs de ses trois lots, et il les a assemblé sous nos yeux pour nous donner un avant-goût de sa prochaine cuvée, en primeur. Un vin très prometteur, typique, comme il faut, avec une robe et un nez rappellant un Musigny. Le tout sera mis en marché la semaine prochaine... À ne pas manquer!

J'ai aussi pu visiter les domaines Sandbanks, Rosehall Run et Trumpour et je publierai mes notes de dégustations sous peu. Ces trois vignobles n'atteignent pas les sommets d'un Norman Hardie, mais ils offrent des belles valeurs et continueront certainement à s'améliorer. J'espère aussi rendre visite à Closson Chase, un autre domaine dont on m'a dit le plus grand bien.

À suivre!

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Je suis un Québécois vivant à Toronto depuis 11 ans. Amateur de vin, je me suis finalement libéré de mes préjugés à l'égard des vins locaux. Avez-vous essayé le pinot noir de Norman Hardie ou du Clos Jordanne? Avez-vous eut le bonheur de siroter un vin de glace ou de déguster le superbe chardonnay de Tawse? Et que dire des rieslings du Niagara, bien frais et secs? Je ne suis ni vigneron, ni oenologue, ni sommelier. Juste un hédoniste un peu plus méthodique que la moyenne. Écrivez-moi! J'adore échanger avec d'autres passionnés de la dive bouteille et de la bonne chère. Dans la vie de tous les jours, je suis Directeur à la recherche et professeur contractuel de science politique à Glendon, le campus distinct et bilingue de l'Université York. C'est un ilôt de verdure au coeur de Toronto, un carrefour pour les francophones et francophiles... Tout ça à 90 minutes des vignobles du Niagara.

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